J'appelle un confrère en consultation et ses conclusions rejoignent les miennes: il va falloir envisager l'amputation. J'avertis la famille du malade.
Nous allons encore attendre quelques jours, lui dis-je, mais si aucun changement n'intervient, il ne restera qu'un moyen d'éviter le pire: l'opération. J'avoue que je ne me faisais guère d'illusions quant à une modification quelconque dans l'évolution de l'état de mon client: pour moi, sa seule chance de salut était dans l'intervention chirurgicale... Le lendemain, cependant, je constate une légère amélioration: le pied est moins tuméfié, l'infection semble stationnaire.
Ce mieux s'accentue encore dans les jours qui suivent. Est-ce là un de ces miracles dus aux extraordinaires pouvoirs de défense de notre organisme? C'est ce que je pense tout d'abord, mais certains coups d'œil ironiques que je surprends dans l'entourage du malade me révèlent bientôt qu'on me cache quelque chose. Je pose des questions, on me répond avec embarras. J'insiste et finalement, j'apprends la vérité: quand il a été question d'amputation, la famille a décidé d'appliquer un "remède de bonne femme" qu'une voisine leurs avait conseillé depuis le début.
De toute façon, me déclara la femme du patient, on n'avait rien à perdre: cela ne pouvait pas aller plus mal! Alors on a essayé... Des cataplasmes d'argile, tout simplement, voilà ce que c'était ce fameux remède ! Devant les résultats obtenus, je n'ai pu que m'incliner et recommander de continuer ce traitement. Quelques mois plus tard, mon malade était debout, sur ses deux pieds, et sa plaie s'était refermée.
Par contre, mon esprit s'était ouvert: cette affaire de cataplasmes clandestins m'avait fait comprendre que mes maîtres ne m'avaient pas tout appris sur l'art de guérir et qu'il existe beaucoup de choses qu'on n'enseigne pas à la Faculté ! Je voulus donc en savoir davantage sur l'argile qui venait de me donner une preuve éclatante de son efficacité et je découvris ainsi à la fois sa longue histoire en tant qu'agent thérapeutique et le rôle irremplaçable qu'elle pouvait jouer, même à l'époque des médicaments chimiques aux noms aussi compliqués que leurs formules..."
Ajouter un commentaire